par Francis Pelletier - Copyright © 1993 MOSARCA .
Cet article a été publié dans le magazine MOS 117.
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M. Jean Ledieu, PDG de Digipress,
présentant son nouveau Glass Master
Rapidement, sous l'impulsion du PDG, M. Jean Ledieu, les responsables
de Digipress ont pressenti qu'il existerait un besoin de support
inaltérable pour conserver ce patrimoine musical, iconographique
ou informatique, qui une fois pressé sur CD ne laisse guère
de traces derrière lui. Et ce, d'autant moins que les CD ne sont
pas éternels. Sauf si, comme le Century Disc, ils sont en
verre trempé dans la masse, fourni par le fabricant belge de verres
spéciaux, Glaverbel. Les chercheurs de Digipress ont mis au point
une méthode qui permet de graver les informations dans ce verre.
Les matériaux couchés sur ce substrat pour former la structure
de relecture sont eux aussi des matériaux qui défient le temps,
des matériaux nobles et inoxydables comme l'or, pour la couche réflective
permettant la lecture de ces disques sur n'importe quel lecteur du marché,
et le dioxyde de chrome pour la couche de protection.
Le Century Disc représente, aujourd'hui, le seul média
optique normalisé capable de conserver sur une très longue
durée les informations qu'il contient. Il peut être appliqué
au CD-ROM pour l'archivage de données mais aussi au Photo-CD. Compte
tenu des matériaux et des techniques mis en uvre, on pourrait s'attendre
à un prix de gravure sur Century Disc nettement supérieur
à la moyenne des gravures de matrice. Même pas! Un Century
Disc, réalisé par exemple à partir d'un Photo-CD (100
photos) enregistré par un laboratoire de Kodak, est vendu entre 2.450
et 2.800 francs (H.T.); soit 24,50 francs par photographie; la garantie
de longue conservation en plus. De la même manière, on peut
parfaitement envisager de faire graver le Century Disc d'un CD-ROM à
partir d'un CD-WORM sur lequel ont été transférées
les données préformatées.
Cette filière de disques en verre, connue sous le nom de "filière
Seattle" chez Digipress, a donné naissance à d'autres
produits. Dans le cadre d'un programme européen Eurêka (EU-390),
Digipress et Glaverbel ont travaillé ensemble à la
mise au point de dérivés du Century Disc capables d'apporter
de nouvelles solutions au problème de l'archivage. Toujours dans
l'optique du Compact Disc, Glaverbel a développé un substrat
de verre trempé, plus résistant aux effets mécaniques
et de type déscalinisé, pour une meilleure résistance
chimique. Quant à Digipress, elle a amélioré son système
de gravure dans le verre par plasma réactif et mis au point de nouvelles
couches métalliques réflectives chimiquement stables et très
résistantes. C'est M. Jean-François Dufresne, responsable
de la R&D chez Digipress, qui dirige ces travaux.
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Machine à graver des disques en verre chez Digipress
Les suites de ce programme Eurêka chez Digipress sont au nombre de
trois: Eon Disc, Ark Disc et Glass Master.
L'Eon Disc est un disque de verre gravé (CD-A, CD-ROM, Photo-CD,
etc.) principalement destiné à l'archivage - sans exploitation.
Il s'agit en fait d'un média gravé qui n'est pas recouvert
d'une couche métallique réflective ou de tout autre matériau.
Il peut toutefois être lu tel quel par un lecteur spécialement
adapté, comme nous avons pu le constater chez Digipress. Pour que
le signal de retour du rayon laser incident puisse être capté
par les photodiodes, la tête optique de cet appareil a été
modifiée pour recevoir un laser à semi-conducteurs plus puissant.
Plus simple à fabriquer qu'un Century Disc, l'Eon Disc est proposé
au prix de 2.000 francs (H.T.).
Le second produit est l'Ark-Disc. Ce disque se différencie
du précédent par la pellicule métallique réflective
à base de nitrure de titane déposée par pulvérisation
réactive à froid. Cette pellicule est elle-même recouverte
d'une couche de marquage à base d'oxyde de titane. Les dérivés
et composés du titane offrent une très haute résistance
aux agressions chimiques et mécaniques et apportent une garantie
supplémentaire de bonne conservation des données. Cet Ark
Disc qui, contrairement au Eon Disc, est réflectif, peut être
exploité sur n'importe quel lecteur de CD-x du marché.
La troisième innovation de Digipress, de date récente, est
le Century Glass Master. Ce disque de verre trempé de 150
mm de diamètre est gravé pour être la matrice d'où
sortiront les stampers de duplication/pressage de Compact Disc. Il s'adresse
aux producteurs et aux éditeurs de programmes qui bénéficient
dès le départ d'une archive toute prête et d'un moyen
rapide et économique de faire réaliser de nouveaux stampers
pour un second pressage. C'est d'ailleurs dans le processus de fabrication
des stampers qu'il révèle sa supériorité sur
les autres matrices: les stampers sont fabriqués directement par
galvanochimie sans passer par les étapes dites "père"
et "mère" comme dans la filière classique. Le gain
de temps atteint 40%, ramenant la durée de fabrication d'un stamper
à 230 minutes contre 390 minutes auparavant. De plus, en éliminant
les phases "père" et "mère", on élimine
des phases délicates; les opérations de galvanochimie et surtout
de séparation des couches métalliques sont en effet sources
de problèmes et de malfaçons. Ce procédé du
Century Glass Master réduit le taux de rejet des stampers. Enfin
dernier avantage, si on le recouvre d'une couche métallique, le Century
Glass Master peut être lu par les lecteurs combi de LaserDisc (CD/LD)
à l'aide d'un adaptateur en plastique mis au point par Digipress.
Présenté à la profession lors du Midem'93, ce produit
a fait très vite des adeptes. Cinq grandes sociétés
de production de Compact Disc ont retenu le Century Glass Master pour faire
fabriquer leurs matrices. Digipress envisage, à partir du printemps
prochain, de fabriquer selon cette technique toutes les matrices qui lui
seront commandées et de vendre des licences à d'autres matriceurs.
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Enceinte d'évaporisation sous vide
pour le dépot d'une pellicule métallique
réflechissante sur la gamme Century Disc
(Photo : © Robin/Digipress)
L'équipe de M. Jean-François Dufresne ne manque pas d'idées
à creuser autour du disque en verre gravé. Approfondissant
le concept de l'Eon Disc pour en cerner toutes les possibilités,
elle a réalisé récemment un disque double-face, sans
métallisation, qui peut être lu par des lecteurs spécialement
adaptés. Pour relire les deux faces de ce disque, il faut encore
le retourner mais l'on devrait pouvoir bientôt s'affranchir de cette
manipulation en utilisant une tête optique capable de focaliser son
spot laser sur l'autre face du média - comme c'était le cas
avec (feu) le vidéodisque transmissif de Thomson-CSF.
Les recherches chez Digipress ont parfois un côté futuriste
mais leurs objectifs restent bien terre à terre. Lors de notre visite
chez Digipress, nous avons pu admirer les travaux de gravure d'un hologramme
sur une matrice et sur un Century Disc. Incontestablement décoratif,
cet hologramme n'est pas là pour faire joli; c'est pour les éditeurs
de CD un excellent moyen de se protéger contre la production pirate
de CD par des contrefacteurs qui, du fin fond de la planète, n'hésitent
pas à faire des copies conformes (y compris du livret) pour les commercialiser
dans leurs pays ou en occident sur des marchés parallèles.
D'autres recherches, moins spectaculaires, portent sur des améliorations
dans les techniques de duplication en petite série de disques sur
verre trempé et gravé. Les ingénieurs de Digipress
mettraient la dernière main à une unité de production
qui devrait être opérationnelle au premier semestre 94. Très
discrets sur les techniques employées, ils affirment que leurs développements
permettront d'effectuer de la duplication sur Century Disc à bon
marché et de répandre ainsi ce support d'archivage et de diffusion
dans le public .
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Century Disc après dépôt d'une couche
métallique - (Photo : © Robin/Digipress)
Pour un terme plus lointain de quatre à cinq ans, Digipress travaille
à l'élaboration de nouveaux moyens de production de disques
de verre gravé. Le but de ces recherches est de mettre au point un
ensemble complet ou "mini-lab" que des institutions ou des sociétés,
pour des motifs de sécurité ou autres, pourraient acquérir
pour réaliser elles-mêmes leurs disques de verre gravé.
Ce "mini-lab" pour la filière Century Disc fait appel à
la technologie du CD-WORM dans son principe, le substrat étant non
pas un disque en polycarbonate mais un disque de verre fourni par Digipress.
A l'instar des autres CD-R du marché, il pourra être enregistré
par les appareils comme le CDD-521 de Philips; il sera ensuite développé
et gravé dans un appareil fonctionnant dans un environnement de laboratoire
et non de salle blanche. Ce système inclura une enceinte de gravure
par plasma réactif et, en option, un dispositif de dépôt
d'une couche métallique. Le prix d'un tel ensemble est, à
l'heure actuelle, estimé à 1,5 millions de francs pour la
fabrication de Eon Disc, c'est-à-dire sans dispositif de métallisation
et entre 2,5 et 3,5 millions de francs pour un mini-lab complet. Digipress
envisage de vendre ce système et une licence d'exploitation à
des institutions, des administrations et des entreprises qui pratiquent
l'archivage en interne et à des prestataires de services. Parallèlement,
les ingénieurs de Digipress s'intéressent de près au
Compact Disc haute densité auquel ils s'apprêtent à
appliquer leur technique de verre gravé. Digipress détient
actuellement 17 brevets nationaux et internationaux protégeant l'ensemble
de ses produits et de ses techniques de réalisation de disques optiques
d'archivage longue durée.
Francis Pelletier
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