par Francis Pelletier - copyright © 1995 MOSARCA
Cet article a été publié dans le magazine MOS 130
Cette approche italienne de la reconnaissance légale des informations
archivées sur disque optique numérique soulève de nombreux
problèmes et ne semble pas faire l'unanimité des industriels
par son aspect parfois restrictif. Elle a toutefois le mérite d'aborder,
malgré quelques lacunes, des questions essentielles qui pourraient
faire école dans d'autres pays européens. Le décret
relatif à l'utilisation des DON comme supports ayant valeur probante
est le résultat d'une délibération de l'autorité
chargée de l'informatique dans l'administration publique (italienne),
délibération prise le 28 juillet 1994 dans le prolongement
de la loi N°537 en date du 24 décembre 1993 de
la République Italienne et plus particulièrement de
son article 2, alinéa 15. Cet article 2, alinéa 15, dispose
que les obligations en matière de conservation et de présentation
de documents à des finalités administratives et probantes
visées par la législation en vigueur sont réputées
avoir été remplies, même s'il s'agit de documents réalisés
sur support optique, à condition que les procédures utilisées
soient conformes aux règles techniques prescrites par l'Autorité
chargée de l'informatique dans l'administration publique. Les informations
utilisées dans cet article sont extraites d'une traduction - non
validée - réalisée par l'AFNOR (Association
Française de NORmalisation).
Selon ce décret, plusieurs types de disques optiques numériques
pourront être utilisés pour archiver des informations et des
documents à condition que ces disques soient physiquement irréversibles.
Sont donc concernés le CD-WORM (également appelé
CD-R) et les DON WORM gravés par des procédés ablatifs
(formation de trous ou de cuvettes), par thermodégradation (formation
de microbulles), par agrégation de couches ou par fusion/ablation
comme dans les média à base de polymère teinté.
Sont compris dans cette énumération les disques optiques numériques
WORM de 14 pouces répondant à la norme ISO-10885 ainsi que
les DON WORM 5,25 pouces dont les spécifications sont conformes à
l'ISO-9171 (parties I et II).
Mais sont exclus, sans toutefois que cela apparaisse explicitement dans
le décret, les disques optiques numériques WORM de 12 pouces
(30 cm) et les DON CCW ou pseudo-WORM. L'exclusion des DON WORM 12 pouces
a de quoi surprendre car leur usage est répandu dans l'archivage
de documents et d'informations pouvant avoir une valeur légale. Les
rédacteurs de ce document ont vraisemblablement fait l'impasse sur
ces média du fait des spécificités de chacun d'eux
interdisant une portabilité des disques entre les différentes
unités d'enregistrement/lecture actuellement commercialisées
sur le marché européen.
L'exclusion du disque optique CCW également appelé
&laqno;pseudo-WORM» s'explique mieux et découle de la
nature même du support sur lequel sont enregistrées les informations.
Basé sur la technologie magnéto-optique, le DON-CCW (voir
MOS N°121, pages 21 à 24) utilise un blocage logique pour interdire
que les secteurs enregistrés soient effacés et réécrits.
Ce blocage logique et non physique ne satisfait pas le législateur
italien qui a décidé de ne prendre en considération
que les supports sur lesquels les informations sont enregistrées
par la modification physique d'une couche ou d'une structure optique. Quand
la nouvelle s'est répandue que le DON CCW était exclu des
supports d'archivage pouvant avoir valeur probante, elle a provoqué
un tollé chez certains fournisseurs d'unités d'enregistrement/lecture
multifonctions.
Chez Maxoptix, au premier rang, mais aussi chez Hewlett-Packard
dont l'offre est basée sur ce type de produits offrant à
l'utilisateur le choix entre un média effaçable (magnéto-optique)
et bloqué en réécriture (CCW). La crainte de Maxoptix,
et dans une certaine mesure de Hewlett-Packard, est que le décret
italien ne soit repris par d'autres pays européens, ce qui limiterait
leurs marchés. Mais comme le précise le document publié
au journal officiel italien, &laqno;lorsque d'autres normes ISO répondant
également aux exigences relatives à l'archivage sur support
optique aux fins probantes et administratives seront adoptées, l'Autorité
procédera à la mise à jour de la présente liste
et promulguera les règles techniques afférentes». Toutefois,
il est précisé dans une annexe que &laqno;le disque doit être
doté de deux caractéristiques fondamentales aux fins administratives
et probantes (et qui peuvent être non nécessaires à
d'autres fins): il doit être stable dans le temps et non réinscriptible».
Les utilisateurs de disques optiques WORM devront se conformer à des règles techniques dont certaines concernent la structure logique des enregistrements sur DON et les formats utilisés pour les documents. Le décret italien a adopté la norme ISO/DIS-13346 ou ECMA-167 relative à la &laqno;structure de volume et de fichiers sur support optique, d'écriture unique (WORM) et de réécriture (effaçable) utilisant un enregistrement non séquentiel pour l'échange d'informations». Cette norme ECMA-167, en cours d'approbation à l'ISO, ne fait pas l'unanimité des professionnels, notamment des fabricants de produits WORM. Elle a par contre déjà été implémentée par MicroDesign International (MDI) dans sa gamme de logiciels de gestion de DON. L'archivage et la conservation des documents ou des informations sur CD-WORM sont également soumis à l'usage des normes ISO-9660 et ISO/DIS-13490 (ECMA-168). Pour les documents numérisés puis stockés sur DON ou CD-WORM, le décret italien a adopté les formats d'enregistrement et de compression conformes aux normes CCITT G3/G4 ainsi que JPEG (ISO-10918).
Avant tout usage d'un support optique pour l'archivage de ses documents
ou fichiers, l'utilisateur devra s'assurer de la pérennité
des média employés. Il devra demander à son fournisseur
d'indiquer, sous sa responsabilité, les conditions optimales de conservation
physique du disque optique. Ces conditions de conservation sont la température
d'utilisation et de stockage, l'humidité relative acceptable et les
conditions d'environnement assurant une stabilité physique du support
et des enregistrements qu'il contient dans l'objectif d'une exploitation
(lecture) à long terme. Le décret italien précise que
&laqno;l'administration doit s'assurer que lesdites conditions soient rigoureusement
respectées».
Parmi les autres contraintes, le législateur italien prévoit
une identification physique de chaque disque par le fabricant de média.
Celle-ci devra être lisible et inaltérable. Elle comprendra
le nom ou l'identification du fournisseur, la date de fabrication ainsi
qu'un code unique à chaque disque fabriqué. A défaut,
l'identification du disque optique est assurée par le responsable
au sein de l'entreprise ou de l'administration. Il devra y apposer sa signature
ainsi qu'un identifiant (chiffres et/ou caractères) garantissant
le caractère unique du média. Le décret italien prévoit
aussi l'apposition d'un hologramme collé sur le disque afin de garantir,
le cas échéant, l'appartenance d'un disque à un lot
spécifique de l'administration publique.
D'autres règles technique décrites par le décret
italien abordent la question de l'accessibilité à l'ensemble
des données contenues sur un DON ou sur un CD-WORM. Il est demandé
que les fournisseurs des unités d'enregistrement/lecture et des programmes
de gestion certifient qu'il est possible à tout moment de vérifier
le contenu du média. Cela suppose qu'il soit possible de relire n'importe
quelle zone y compris les zones déclarées annulées,
de visualiser les zones occupées et libres. A cela s'ajoutent des
règles concernant la saisie de l'image en cours d'enregistrement,
les fonctions de copie, de visualisation et d'impression des documents archivés
selon des modalités interdisant toute manipulation frauduleuse du
document. Le législateur italien impose également que les
programmes de gestion des DON ou des CD-WORM utilisent une interface auto-explicative
permettant un usage ou un contrôle par un utilisateur non familiarisé.
Il est également recommandé aux utilisateurs de préférer,
au moment de choisir, des unités d'enregistrement/lecture permettant
de mesurer la capacité résiduelle de correction des erreurs.
Lors de l'acquisition d'unités d'enregistrement/lecture mais aussi
de média, l'utilisateur devra faire spécifier un certain nombre
de clauses sur le contrat de vente. Les fabricants devront garantir que
leurs produits seront disponibles sur le marché pendant une période
de trois ans à compter de la date de cession. Ils devront également
assurer une compatibilité de lecture de leurs nouveaux appareils
avec la génération précédente de média
afin de garantir la relecture des données. De plus, les fournisseurs
de drives devront s'engager à assurer l'entretien ainsi que la fourniture
de pièces de rechange deux ans après la date de notification
à l'administration du retrait commercial de leurs produits. Les clauses
devront contenir un engagement spécifiant qu'il existe des procédures
de ressaisie des données ainsi qu'une seconde source d'approvisionnement/remplacement
des disques et des drives.
Enfin, le fournisseur devra fournir un certificat de conformité aux
normes physiques et logiques décrites plus haut. Ce certificat pourra
être délivré par un centre européen agréé
- qui n'existe pas encore mais fait l'objet de plusieurs projets. Toutefois,
en l'absence de cette institution, ce document pourra être remplacé
par une déclaration sur l'honneur du fournisseur.
Pour sa part, l'utilisateur devra se soumettre à certaines règles.
Le premier fichier enregistré sur chaque disque doit comprendre des
données sur son appartenance, son usage et son contenu. Réunies
dans un document ou formulaire, celles-ci fournissent les informations suivantes:
la date de début de l'enregistrement, l'identification de la personne
responsable de la saisie sur le disque, le contenu prévu, les modalités
de saisie, des données relatives à la compression utilisée
ainsi qu'au cryptage éventuel des documents. A chaque fichier enregistré
sur le disque optique doivent être également associées
des informations de ce type. De même, lors de la clôture d'un
disque, il doit être prévu un fichier décrivant son
contenu ainsi que des données concernant les zones occupées,
libres ou endommagées auxquels s'ajoutent des informations utiles
au repérage des documents.
Au décret de loi paru au journal officiel de la république
italienne ont été ajoutées des annexes décrivant
en détail certains aspects techniques auxquels doivent se soumettre
les utilisateurs. Il serait fastidieux d'énumérer l'ensemble
des points cités dans ces annexes fortes d'une vingtaine de pages.
Toutefois, nous en avons relevé un certain nombre suggérant
des procédures ou méthodes de travail. Il est demandé
de regrouper les documents, et également les disques optiques, suivant
la durée légale de conservation des documents archivés.
Ainsi devront être regroupés sur un même support les
documents qui doivent légalement être conservés pendant
une période de dix ans, ceux dont la durée de conservation
légale est de quarante ans, etc. D'autres procédures s'attachent
au contrôle du bon état de conservation des média et
des données qu'ils contiennent. Un calendrier de séances de
contrôle de l'état de conservation pour chaque groupe de documents
est à prévoir. Il mentionnera les opérations de test
de la qualité de conservation des données archivées
sur le ou les disques optiques en tenant compte d'un niveau minimal en dessous
duquel il est nécessaire de procéder à une copie globale
du disque sur un nouveau média, voire éventuellement sur une
nouvelle génération de média.
Les experts italiens ont émis plusieurs hypothèses sur la façon de présenter le document (image numérisée ou fichier) en cas de litige, de mise en demeure ou de requête administrative. La première consiste à présenter le disque sur lequel est ou sont contenus les documents. Cela impose un transport physique du média vers l'organisme demandant la présentation du document. Reste à savoir, comme le souligne l'une des annexes du décret italien, si le demandeur peut ou doit conserver ce disque ou s'il peut ou doit copier le document sur ses propres disques. De même, est évoqué le droit pour une administration d'effectuer des copies sur papier du document numérisé. Les experts ont également émis l'hypothèse que le document soit transmis par réseau avec la possibilité de vérifier a posteriori sa conformité avec le document original conservé sur le disque validé comme archive. Mais dans la plupart des cas évoqués, aucune procédure véritable n'est suggérée, ce qui laisse place à beaucoup d'improvisation et constitue une zone d'ombre peu propice à la rigueur légale.
Dans les documents annexes, le législateur italien fournit quelques
explications sur les règles techniques tout en abordant des considérations
plus générales. &laqno;L'Autorité (italienne) a publié
le présent groupe de documents afin de faire connaître ses
résolutions en la matière, bien que lesdits documents présentent
encore des lacunes.
Elle entend ainsi indiquer à l'administration, aux fournisseurs et
aux personnes physiques concernées, dans les délais les plus
brefs, tout en fournissant les prescriptions additionnelles et les compléments
requis, y compris en ce qui concerne les modalités applicables à
la définition des procédures, quelles sont parmi les normes
en vigueur celles qui sont propres à répondre aux exigences
stipulées par loi. Il a été opté pour cette
approche, afin d'éviter que le marché ne soit pris de court
au moment où les administrations décideront de procéder
à la mise en uvre de systèmes d'archivage basés sur
des supports optiques.» Et le document poursuit ainsi: &laqno;en ce
qui concerne les technologies, l'Autorité indique dans le présent
document celles qui, dans l'état actuel des choses, sont arrivées
à un stade d'élaboration jugé suffisant pour répondre
aux exigences de l'administration publique, et elle se réserve la
possibilité d'en approuver d'autres ultérieurement lorsque
celles-ci seront considérées comme ayant atteint un stade
de développement suffisamment avancé pour être adoptées».
Cela laisse supposer une évolution possible des recommandations comme
des procédures au fur et à mesure que changeront les disques
optiques mais également les normes concernant la structure logique
des fichiers et les formats d'enregistrement des données et des images
numérisées. Comme le mentionnent les textes en annexe, &laqno;l'article
2 (alinéa 15 - loi N°537/93) attribue à la conservation
sur support optique une spécificité typiquement italienne,
puisqu'elle dispose explicitement que les obligations en matière
de conservation et de présentation aux fins administratives et probantes
peuvent être remplies par l'utilisation de supports optiques en lieu
et place de supports papier. Par conséquent, cette possibilité
introduit une série complémentaire de contraintes et de limitations
à l'égard de l'utilisation de la technologie qui (viendront
s'inscrire) ultérieurement dans le cadre des normes européennes
disponibles»... &laqno;Compte tenu de ces limitations, l'Autorité
(italienne) veillera à mettre constamment à jour les actuelles
règles techniques et à promouvoir des règles nouvelles
sur la base des normes stipulées en la matière par l'Union
européenne».
Si l'on ne doit pas s'attendre à voir les autres pays de la communauté
s'aligner d'emblée sur les thèses italiennes, il n'en demeure
pas moins que le décret italien et ses compléments techniques
mettent en évidence certains aspects techniques qui pourraient être
pris en compte par les législateurs d'autres pays européens,
toujours dans l'attente d'une loi communautaire. Il en ressort que l'irréversibilité
physique du support d'enregistrement prime, de même que sa durée
de vie. Ce décret introduit des procédures nouvelles que pourraient
mettre en uvre les concepteurs de logiciels ou de solutions de gestion électronique
de documents pour faciliter l'application de règles techniques qui
peuvent paraître contraignantes. Par ailleurs, les travaux en cours
dans la majeure partie des comités nationaux et internationaux de
normalisation apporteront des solutions capables de répondre aux
exigences du législateur.
Francis Pelletier
Copyright © 1995 MOSARCA - Tous droits réservés