par Francis Pelletier - Copyright © 1995 MOSARCA
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Dique optique multicouches d'IBM (Photo © IBM)
Cette information, qui a eu un grand retentissement dans la presse généraliste,
a été rendue publique lors du congrès &laqno;Data Storage
Topical Meeting» qui s'est tenu du 16 au 18 mai à Dana Point
(Californie). Les ingénieurs du centre de recherche et de développement
d'IBM situé à Almaden (San
Jose, CA) ont fait connaître le résultat de leurs travaux sur
l'utilisation de couches multiples pour augmenter la densité de stockage
des disques optiques numériques. Cette technique appliquée
au format CD (12 cm), avec une gravure de type ROM (faite en usine et à
relire uniquement), permettrait de stocker et de diffuser 6,5 giga-octets
en dix couches d'information superposées sur un CD-ROM. Dans le cas
d'un média enregistrable de type WORM ou autre, cette technique permettrait
de superposer de deux à quatre couches.
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Comme le montrent le dessin et la photographie reproduits ci-dessus, la
structure du disque optique multicouche proposée par IBM est constituée
par un empilement de minces disques séparés les uns des autres
par une couche de liant d'une épaisseur précise située
sur les circonférences internes et externes des différents
substrats. Les différentes strates qui composent le disque multicouche
sont collées entre elles pour ne former qu'un seul bloc.
Les drives actuels ne sont pas capables de relire cette structure. L'écriture
comme la lecture des données ainsi stockées nécessitent
une tête optique et un dispositif électro-optique particuliers.
Ils doivent être capables de focaliser le faisceau laser sur les différentes
strates formant un tel disque; opération délicate qui demande
une très grande précision et un asservissement vertical rigoureux.
Dans leur laboratoire, les ingénieurs d'IBM ont réalisé
des tests sur des disques ROM formés de deux, quatre et six couches
et sur des disques enregistrables de type WORM faits de deux et quatre couches.
Ces disques ont été lus avec succès par la tête
optique qu'ils ont mise au point.
Il ne s'agit là que de produits de laboratoire, de produits de recherche
et même pas encore de produits de développement. Ils sont un
aperçu d'une voie possible permettant d'augmenter de façon
considérable la capacité des disques optiques. IBM n'a d'ailleurs
pas annoncé de produit, pas plus qu'elle n'a fait part d'une quelconque
intention de se lancer dans la conception d'un lecteur ou d'un enregistreur.
Par contre, elle pourrait proposer cette technique sous forme de licences
à d'autres industriels et travailler au sein de groupes préparant
une proposition de norme.
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Mr. Kurt Rubin, chercheur au centre Almaden d'IBM
tenant dans ses mains des disques optiques multicouches (Photo: ©
IBM)
Le principe présenté par l'équipe d'IBM, celui de
jouer sur les longueurs d'onde des lasers pour graver et relire des couches
empilées, est l'une des voies explorées pour atteindre de
très hautes densités sur des disques optiques. L'autre solution
consiste à raccourcir cette longueur d'onde en même temps qu'on
réduit la largeur des pistes et la longueur des pits enregistrés.
Elle est déjà mise en oeuvre dans plusieurs produits commercialisés
aujourd'hui.
Dans l'Alphavision de Pioneer, un disque de douze centimètres
de diamètre permet de stocker - sans compression - 2,1 giga-octets.
Ce système utilise un laser émettant dans une longueur d'onde
de 685 nanomètres qui grave ses pits dans une piste d'un micron de
large. La société américaine Optical Disc Corporation
pratique une technique similaire dans l'enregistreur de disque optique WORM
qu'elle a annoncé récemment (MOS N°123, pages 49/50).
Nous n'en sommes qu'au début. Les recherches sont actives sur les
lasers à semi-conducteurs émettant dans le bleu car ce type
de faisceau permettrait d'obtenir des capacités de stockage de plus
de cinq giga-octets sur un disque optique mono-couche de type CD-ROM/CD-WORM
(12 cm). Malheureusement, deux obstacles de taille cantonnent pour l'instant
ces développements au stade du laboratoire. En premier lieu, les
lasers à semi-conducteurs émettant dans le bleu, à
l'étude dans de nombreuses compagnies, se révèlent
difficiles à mettre au point. En second lieu, ils ne montrent guère
d'aptitudes à un usage courant. En effet, sans parler du fait qu'ils
doivent être facilement industrialisables pour induire une production
de masse et faire baisser les prix, objectif encore loin d'être atteint,
ils doivent pouvoir fonctionner de manière continue à température
ambiante (sans dispositif de refroidissement spécifique) et avoir
une durée de vie compatible avec une utilisation quotidienne. Ce
n'est pas encore le cas. Quelques années de recherche et de développement
seront nécessaires pour surmonter ces contraintes.
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De gauche à droite : les Dr. Wade Tang et Wayne Imaino
testant un disque optique multicouches dans un lecteur
spécialement adapté. (Photo : © IBM)
Les études sur les disques multicouches ne datent pas d'aujourd'hui.
Le vidéodisque transmissif de Thomson-CSF développé
par l'équipe de M. Georges Broussaud était un média
bi-couche. Sur un support transparent, on appliquait une feuille de plastique
souple de 0,15 mm d'épaisseur. Sur le recto et le verso de cette
feuille, on avait préalablement imprimé des informations par
estampage. En raison de la transparence du support, les deux faces de la
couche porteuse d'informations pouvaient être lues sans qu'il soit
nécessaire de retourner le disque. Le faisceau laser était
refocalisé sur l'une ou l'autre des faces. M. Georges Broussaud,
alors qu'il était au Centre Mondial Informatique, avait pensé
empiler plusieurs de ces disques les uns sur les autres par pressage afin
d'obtenir un disque rigide. Des tests avaient été effectués
qui avaient démontré la faisabilité d'un média
multicouche. Thomson-CSF et le Centre Mondial Informatique avaient même
déposé ensemble un brevet sur le sujet mais, aujourd'hui,
il est certainement caduc faute de l'avoir renouvelé et d'avoir payé
les redevances auprès des instituts de propriété industrielle.
La possibilité de relire un disque bi-couche a été
vérifiée à nouveau chez Digipress
(Caen) en collaboration avec M. Broussaud. Digipress a gravé un Compact
Disc en verre sur ses deux faces, doublant ainsi sa capacité de stockage.
La gravure était faite au cur même de la matière selon
la technique qu'elle a mise au point pour son média Century
Disc de type EON (MOS N°97, page 32). Dépourvu
de couche réflectrice, ce disque ne peut être relu que par
un lecteur muni d'un laser de plus forte puissance et d'un dispositif de
focalisation capable de se régler sur l'une ou l'autre des faces
du substrat en verre de 1,2 mm d'épaisseur. Digipress a également
travaillé sur des disques multicouches ayant fait l'objet de revendications
auprès des organismes de propriété industrielle.
Aux USA aussi, les recherches sur le stockage d'informations sur des disques
optiques multicouches sont nombreuses. Les ingénieurs de la société
Optex (Rockville, MD) travaillent sur le stockage d'informations
multicouches à l'aide de leur technologie ETOM (voir MOS N°77,
pages 5/6).
En 1992, deux chercheurs américains de la Cornell University (Ithac,
NY), MM. James H. Strickler et Watt W. Webb, ont rendu public le résultat
de leurs recherches sur une structure optique WORM permettant de stocker
des informations sur des couches multiples, à la densité de
1012 par cm3. Leurs recherches ont donné lieu à deux brevets
d'invention, l'un en 1991, l'autre en 1992.
Plus récemment, des chercheurs de l'université Brown (Providence,
USA) ont fait connaître leurs recherches sur le stockage optique d'informations
sur un disque optique effaçable en verre.Ils utilisent différentes
couches superposées réagissant chacune à une longueur
d'onde précise pour l'écriture et la lecture des données.Cette
technologie multicouche offrirait une densité d'information de l'ordre
de 109 bits par cm2. Et l'on pourrait poursuivre les énumérations
mais cette liste ne se veut en rien exhaustive.
Ce qu'il faut en retenir, c'est que les technologies projetées pour
mettre en oeuvre des disques optiques multicouches sont diverses et les
tentatives nombreuses mais que les unes et les autres en sont restées,
dans leur immense majorité, au stade théorique ou expérimental.
Francis Pelletier - © copyright mosarca 1994 - Tous droits réservés.
Cet article a été publié dans le magazine MOS 124 -
1994