An history of the phase change technology
Historique du changement de phase

par Stanford Ovshinsky, président d'Energy Conversion Devices

© copyright 1994 - MOSARCA
Cet article exclusif a été publié dans le magazine MOS 127 - septembre 1994

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Dr. Stanford Ovshinsky,
président d'Energy Conversion Devices
à l'origine des recherches et des brevets
sur la technologie du changement de phase

Découvreur de la technologie du changement de phase appliquée aux mémoires optiques, M. Stanford Ovshinsky est à l'origine de nombreux brevets d'invention sur le sujet déposés par sa société Energy Conversion Devices. Celle-ci compte aujourd'hui de grands noms de l'industrie parmi ses licenciés et poursuit ses développements afin d'améliorer les couches et alliages d'enregistrement. M. Stanford Ovshinsky retrace, dans cet article spécialement écrit pour notre magazine, l'historique de sa découverte et décrit les techniques qu'il a mises en oeuvre.

Au cours de mes recherches, j'ai commencé à travailler sur les matériaux amorphes au milieu des années 50 et ai trouvé le moyen de commuter des couches fines et réversibles, à base d'oxyde, à la fois volatiles et non volatiles. Ces matériaux montraient une très grande résistance en position &laqno;arrêt» et une grande conductivité électrique en position &laqno;marche». A partir de 1960, j'ai travaillé sur les chalcogénides amorphes et ai développé des matériaux de mémorisation susceptibles de commuter à partir d'un certain seuil contrôlé électriquement. Cela a fait, en 1968, l'objet d'un article dans Physical Review Letters auquel il est souvent fait référence (1, 2). En juillet 1969, lors d'une conférence Gordon, j'ai décrit une mémoire optique qui utilisait le changement de phase de la mémoire électrique Ovonic, mais sous l'effet d'un laser. J'avais précédemment démontré que ces matériaux réagissaient également aux faisceaux d'électrons, aux éclairs électroniques, etc., que l'on pouvait y faire apparaître des gradations de gris sous l'effet d'une source électrique ou optique et que l'on pouvait y enregistrer des points d'une taille pouvant descendre jusqu'à 100 angströms et les effacer grâce à la réversibilité (3). Mes collaborateurs et moi avons publié de nombreux articles et donné beaucoup de conférences, lors de manifestations internationales, dans lesquels nous décrivions le mode de fonctionnement de ces mémoires optiques et soulignions leur longévité, expliquant les transitions de phases qui provoquaient les changements optiques qui s'opéraient. C'est ainsi que naquit un mouvement en faveur de l'utilisation des mémoires optiques qui parvint jusqu'à la presse commerciale (4, 5).
En 1968, j'obtins pour ces travaux un brevet de base contenant 58 revendications (6). Plusieurs sociétés achetèrent des licences, IBM fut la première suivie Matsushita. (J'avais fait connaître la commutation des mémoires optiques à base de chalcogénide au Japon à la fin des années 60 grâce à des conférences faites à la Société Electrotechnique - présidée à cette époque par M. Kikuchi, qui devint ensuite directeur de la recherche et membre du conseil d'administration de Sony - et auxquelles assistait un jeune scientifique très attentif, M. Tanaka, qui devint par la suite très actif dans ce domaine.)
La mémoire optique à changement de phase Ovonic est omniprésente depuis lors et est communément appelée mémoire à changement de phase (ou PCE en anglais pour Phase Change). Les sociétés Matsushita, Asahi Chemical, Toshiba, Polaroïd et Plasmon Data Systems sont les détenteurs actuels de licence et beaucoup d'autres s'apprêtent à le devenir. Bien entendu, nous avons déposé de nombreux brevets dans ce domaine et continuons à le faire.

La technique du changement de phase

Ce qui suit est une description de la mémoire à changement de phase dans sa dernière version, mémoire sur laquelle nous avons commencé à travailler dans les années 60. Le codage de l'information au moyen de changements de structure très rapides ainsi que la réversibilité possible sur une longue période ont fait l'objet d'une intense recherche scientifique et technologique.
Le concept de base des mémoires à changement de phase est né de la découverte d'un matériau qui peut exister de manière stable dans deux états structurels différents. Une barrière d'énergie doit être franchie avant que l'état structurel ne change, ce qui garantit la stabilité des deux structures. On peut fournir l'énergie au matériau de différentes façons, en l'exposant à d'intenses rayons laser ou en lui appliquant une impulsion électrique. Dans le cas d'une mémoire optique, on utilise l'exposition au laser focalisé pour enregistrer et effacer. Lorsque l'énergie envoyée dépasse une valeur seuil, le matériau est excité et atteint un état de grande mobilité durant lequel il devient possible de réorganiser rapidement la longueur et les angles des liaisons existant entre les atomes, en faisant subir à ces dernières un léger mouvement. Pour les matériaux à paire unique qui sont liés de façon divalente, cela peut consister à déplacer simplement des paires uniques non liées ou des paires faiblement liées pour établir de nouvelles connexions.

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Dans un matériau tel que le germanium-antimoine-tellure (Ge-Sb-Te), on peut sélectionner des compositions dans lesquelles ces changements infimes de points de liaison des atomes peuvent causer des changements profonds des propriétés physiques du matériau, et en particulier de sa capacité d'absorption et de sa réflexivité optiques. Lorsqu'on sélectionne un matériau, il faut veiller à choisir une composition qui puisse former une structure cristalline sans ségrégation de phase. Les principes fondamentaux des supports optiques, effaçables par réécriture directe au moyen du changement de phase, sont une composition adéquate et un état de grande mobilité pendant l'exposition au laser. Nos premiers travaux ont montré que les matériaux de la combinaison ternaire Ge-Sb-Te étaient capables de transitions rapides entre les deux états; nos recherches récentes sur le rapport entre les propriétés cristallines des divers matériaux et leurs performances en tant que supports d'enregistrement optique mettent encore mieux en évidence l'importance de bien choisir la composition (7, 8).

La réécriture directe est simplement le procédé qui consiste à enregistrer une nouvelle information à un endroit qui avait déjà été enregistré, et ce, sans effacement préalable de la première information. Pour que cela soit possible, le matériau doit posséder deux propriétés primordiales. Premièrement, la transition doit être extrêmement rapide. La structure des matériaux effaçables par changement de phase est facile à transformer dans les deux sens au moyen d'impulsions d'une durée de 50 nanosecondes. Deuxièmement, l'énergie émise par le rayon laser pour conduire à l'état amorphe ou à l'état cristallin, doit être absorbée de la même façon par le matériau à changement de phase, qu'il soit dans l'un ou l'autre de ses états structurels. Les indices de réfraction et les coefficients d'absorption du matériau à changement de phase dans ses deux états structurels indiquent si le matériau possède ces propriétés de façon inhérente, le réglage des détails venant d'une conception adéquate des superpositions de couches optiques formant le dispositif d'enregistrement. Connaissant les grandes différences de constantes optiques qui existent entre les deux structures (amorphe et cristalline), on comprend qu'avec leur contraste de lecture très élevé, les disques optiques à changement de phase bénéficient d'un grand avantage. Les deux structures ont une réflexivité très différente, ce qui permet une certaine tolérance quant à l'épaisseur des couches lors de la fabrication. Contrairement à son rival - le disque magnéto-optique, qui a un faible contraste de lecture et, de surcroît, un signal de lecture qui doit être différencié par une évaluation de polarisation plus complexe - le disque à changement de phase est plus économique à fabriquer.

Les dispositifs élaborés que l'on trouve dans les produits fabriqués par nos détenteurs de licence sont conçus selon les principes que nous avons établis, qui prévoient la protection de l'alliage contre la contamination atmosphérique et les interactions chimiques avec la couche protectrice elle-même. Une attention particulière a été apportée au couplage optique pour l'améliorer et aux réactions thermiques résultant des interactions de la couche sensible en alliage avec la lumière laser. Un processus de fabrication cohérent et à haut rendement est bien sûr une préoccupation de premier plan dans toute production et les détenteurs de nos licences ont fait un travail remarquable pour développer un processus bien contrôlé et très productif.

En utilisant des matériaux qui ont la même composition en phase amorphe et en phase cristalline, on est assuré d'une longue durée de vie. Aucune diffusion n'intervenant dans le processus de changement de phase, il n'y a pas de ségrégation de phase et la durée de vie n'est limitée que par l'évolution du substrat. Un plastique tel que le polycarbonate commence à montrer une dégradation de la planéité de sa surface après 100.000 opérations de réécriture et cette dégradation provoque une élévation graduelle du niveau de bruit qui limite la durée de vie du support à environ un million de cycles. Les disques fabriqués à partir de plastiques ou de verres spéciaux, ou ceux qui utilisent des couches diélectriques plus aptes à stabiliser la surface du plastique, auront une durée de vie, calculée en nombre de cycles, bien plus longue.

Les recherches et les développements en cours

Nous poursuivons nos développements et cherchons à réduire la puissance laser nécessaire à l'enregistrement et, plus important encore, à baisser les coûts de fabrication du support et de l'enregistreur qui lui correspond. Nous travaillons avec la société Polaroïd pour commercialiser les supports optiques à changement de phase à la fois en versions WORM et réinscriptibles, versions qui sont fabriquées selon un procédé complètement différent que Polaroïd a mis au point. Ce procédé consiste à imprimer par estampage un format de disque dans un substrat qui se présente en un fin rouleau, selon un processus en continu. Une fois le matériau du substrat formaté, le rouleau est placé dans une chambre sous vide et reçoit la couche sensible à changement de phase et un revêtement de scellement, toujours en un processus continu. Le rouleau de substrat enduit est ensuite déposé par laminage sur un film de polycarbonate un peu plus épais qui fait office de barrière de protection contre la poussière et les rayures, ce qui est indispensable si l'on veut obtenir un produit durable. L'étape finale de la fabrication consiste simplement à découper à la presse chaque disque formaté. Le grand avantage de cette technique de fabrication est son faible coût. Non seulement le procédé en continu réduit les coûts de fabrication, mais la sélection du diamètre du disque permet un contrôle linéaire du coût par disque. D'après nos prévisions, le procédé de fabrication de disques à changement de phase de Polaroïd pourrait produire des média de deux pouces (5 cm) qui ne vaudraient pas plus que deux dollars dans le commerce et auraient une capacité de plus de 100 Mo. Ce niveau de prix permettra aux supports optiques de concurrencer pour la première fois les disquettes magnétiques. Le caractère amovible du disque optique, son faible prix et un rapport coût/capacité très avantageux en feront un produit de premier plan dans la hiérarchie des supports de stockage des ordinateurs personnels et conduiront ce disque vers de multiples applications, en particulier en gestion électronique de documents.
J'ai grand plaisir à voir l'accueil très favorable que reçoit ce disque à changement de phase et à suivre la croissance d'un produit à l'origine duquel je suis et que j'ai développé. Les mémoires optiques à changement de phase sont de plus en plus largement reconnues comme le montre un article récent intitulé &laqno;Phase-Change Disks Target Multimedia» paru dans Electronic Engineering Times.
par le Dr. Stanford Ovshinsky
Traduction française: Nathalie Hamard

© Copyright 1994 MOSARCA
Cet article a été publié dans le magazine MOS 127 - septembre 1994

Références bibliographiques
Biographie du Dr. Stanford Ovshinsky

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